Château d’Ayas/Yumurtalik

 

 

 

Localisation : à l’ouest sur le golfe d’Iskenderun, face au port de Payas. Aujourd’hui c’est la ville moderne de Yumurtalik.

 

 

Réf :

Alishan (1899), p.426-451, gravure, plan

Edwards (1987), p.77-82

Hellenkemper (1976), p.154-164

 

 

 

 

Historique

 

Périodes antérieures

Le site est connu dans l’Antiquité sous le nom d’Aigai, c’est déjà un port important de la région mais il ne semble pas être protégé par une forteresse. Entre la période antique et l’arrivée des Croisés, on trouve peu de traces du site dans les sources. Le port commence à se faire connaître au 13e siècle où il se retrouve coincé entre les territoires des Seljukîdes d’Anatolie à l’ouest et celui des Mamluk à l’est qui font tomber la Principauté d’Antioche à la fin du siècle.

A cette époque, le port est une possession arménienne administrée directement par le roi ; son activité économique qui était déjà conséquente sous le roi Léon I (r.1187-1219) entraîne rapidement l’arrivée des Vénitiens, suivis par les Génois (fin 13e s.) et les Pisans (mi 14e s.). Les marchands italiens s’organisent ainsi en communautés et possèdent leurs propres quartiers dans la ville, qu’ils rebaptisent Lajazzo. En 1294, des affrontements entre les communautés venitiennes et génoises mettent la ville à mal.

 

Période Mamluk

L’importance stratégique d’Ayas, qui est le débouché maritime d’une route commerciale en provenance de Tabriz, attire les convoitises des puissances alentours, notamment des Mamluk qui commencent leurs pillages dès 664/1266 sous le sultan al-Zâhir Baybars[1] et une seconde fois en 673/1275[2] ; des bandes turkmènes tentent aussi leur chance en 680/1281 et 683/1284.

Au 14e siècle, Ayas connaît plusieurs attaques et pillages mamluk : en 705/1305 et 720/1320, les Arméniens repoussent deux tentatives, mais en 722/1322 l’assaut des Mamluk se termine par l’incendie de la ville et endommage sérieusement le château de Terre. Celui-ci est reconstruit l’année d’après avec l’aide du Pape de l’époque Jean XXII.

En 737/1337, un autre siège mamluk permet au sultan d’en prendre le contrôle, le site est définitivement possession mamluk en 747/1347. La ville est alors équipée d’une garnison et entretenue, jusqu’à une tentative d’invasion de Pierre Ier de Chypre en 1367.

Le port tombe ensuite dans l’oubli, peu cité dans les sources, il refait parler de lui lors de la conquête Ottomane ; le sultan Suleyman entreprend alors d’importants travaux de restaurations sur le château et fait élever une tour isolée polygonale[3] à l’ouest du port pour contrôler le rivage. Ayas devient une petite base navale pour la marine ottomane.

 

La forteresse d’Ayas est mentionnée pour la première vers 1220 lors de la conquête du sultan Seljukîde ‘Alâ al-Dîn Kaykubad (r.616/1219-634/1237), elle pourrait donc être l’œuvre du roi arménien Léon I. Les attaques Mamluk, principalement celles de 722/1322 et 737/1337 ont fortement endommagés les remparts qui ont ensuite été démolis ; le site a été ensuite réparé plusieurs fois. De nos jours, le château n’a conservé qu’une partie de ses murs (ill.13, 14, 15) et quelques tours en élévation ill.7, 8, 11, 12). Au nord et sur le rivage on trouve des bases de tours, ainsi que des pans de maçonnerie au sud (ill.5, 16).

Les éléments constituant le Château de Terre datent donc des diverses périodes d’occupations et mêlent travaux arméniens, mamluk et ottomans, l’aspect actuel du château est l’œuvre de cette dernière période. Les travaux attribués aux Mamluk sont difficilement lisibles ou identifiables.

Aujourd’hui le site est en travaux, les murs et tours encore debout, notamment T01 et T02, démontrent l’usage de différents matériaux de construction et de remplois[4].

 

A 400m du rivage, le Château de Mer (ill.17, 18), serait postérieur au Château de Terre. Les raids mamluk, notamment celui de 722/1322, ont entraîné d’importants dégâts mais le site n’a pas été restauré. Il a fait l’objet d’une fouille en 2008[5]

 

 

 

Epigraphie

 

Pas d’inscriptions.

 

 

 

Biblio complémentaire :

Vachon (1994), n°6

Eser (2009), p.421-441

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1/ vue aérienne du site

Source : Google Earth

 

2/ plan du château de terre

3/ vue du port avec la forteresse

4/ vue du port et du front sud-ouest de la forteresse

5/ front sud de la forteresse avec tour T01 et les pans du mur sud

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

7/ front ouest de la forteresse avec les tours T02 et T01

 

6/ façade sud de la tour T01

 

8/ vue de la maçonnerie de la tour T01

9/ vue de la salle intérieure de la tour T01

10/ front ouest de la forteresse avec les tours T02 et T03b

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11/ tour T02 du front ouest

 

12/ les tours T03 et T03b du front ouest

13/ vue de l’angle nord-ouest

14/ mur nord et tour T04

15/ le mur d’enceinte nord, depuis l’intérieur de la forteresse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

16/ rivage est de la forteresse avec base d’une tour

 

17/ la tour T01, avec le château de mer en arrière plan

18/ le château de mer depuis le rivage

 

 

 

 

 

Documents anciens, récits

 

Beaufort (1818), p.300 (séjour en été 1811 ou 1812)

« On the extreme point is Ayas Kalassy, a small village comprised within the walls of a half-antient castle. Fortune did not permit me to reach this castle ; but some of the officers, by whom it was visited, observed there the shattered remains of a port and artificial pier ; probably the antient Aegae, of which the present name Ayas appears to be a corruption. A litte to the westward there is a round tower, with an Arabic inscription over the door ; and several of the stones in this tower are of a hard black lava, resembling the Sicilian millstones which are procured at Mount Etna. »

 

 

Langlois (1854), p.87-88 (séjour en 1852-53)

« Un château bâti sur le bord de la mer, et que restaura le sultan Soliman, prouve que, pendant la période des invasions musulmanes, Aïas était un point militaire qui assurait la possession d’une partie de la côte et de la plaine jusqu’aux portes Amanides.

C’est dans l’intérieur de ce château que se trouve l’Aïas moderne réduite à quinze cabanes couvertes de chaumes, et dont la population n’atteint pas le chiffre de cinquantes personnes.

Une petite tour construite dans la mer était le fort avancé qui défendait la ville.

Par la suite de recherches que j’ai faites à Aïas, je suis parvenu à découvrir deux inscriptions détériorées ; l’une enchassée dans les murailles du château dont je vient de parler, la seconde se trouvait au milieu des décombres amoncelés sur les bords de la mer.

A l’ouest du château d’Aïas est une petite tour octogonale construite par le sultan Soliman II, fils de Sélim Ier, vers le milieu du XVIe siècle ; les pierres dont se compose cet édifice sont, les unes blanches, les autres calcinées par le feu ; leur agencement fait ressembler cette bizarre construction à un damier. Sur la partie située au nord, on lit au-dessus de la porte une inscription arabe dont voici la traduction :

‘Ce château a été construit par le victorieux sultan Soliman, fils du sultan Sélim-Khan, l’année …. trente….’ »

 

 

Langlois (1861), p.425-431 (séjour en 1852-53)

« A trois heures des ruines de Castabala, les murailles d’Aïas apparaissent à l’horizon, se découpant sur le bleu de la mer.

Aegée, de nos jours Aïas, est située sur le rivage de la Méditerranée, en face de Païas, dont elle est séparée par le golfe d’Issus. (…)

Le seul édifice que le temps ait respecté est le château et les appendices construits avec des pierres provenant des débris de la ville incendiée lors de la conquête. Ce château, qu’avait élevé les rois d’Arménie, a été bâti avec des pierres de taille entre lesquelles on a enchâssé symétriquement des fûts de colonnes provenant d’anciens édifices. Lors de la restauration de ce château par le sultan Soliman, qui avait compris de quelle importance était pour lui cette position avancée sur la côte de la Syrie, les ouvriers employèrent des pierres calcinées par le feu qu’ils ajustèrent de telle sorte dans les parties écroulées de l’édifice, qu’il semble affecter la figure d’un échiquier. Cette construction se compose de deux enceinte et d’un fossé. L’enceinte intérieure est la plus élevée ; elle est formée de murailles reliées par des tours rondes ; l’autre est en partie ruinée, et, dans plusieurs endroits, il n’en reste que les fondations. C’est sur la première de ces murailles que j’ai vu encastrées deux inscriptions grecques mutilées de l’époque romaine. Au pied de ce château et du côté de la mer, on voit quantité d’énormes boulets de pierre, provenant du dernier siège que la ville eut à soutenir contre les musulmans.

 

Le château d’Aïas communiquait à l’ilot dont parle Sanuto par une digue qui allait rejoindre un autre château, sorte de fort avancé qui défendait l’entrée de la rade. Il paraît qu’au moyen âge ces deux ouvrages étaient distincts, car,dans une quittance notariée du connetable d’Arménie, au consul vénitien de Lajazzo, et datée de 1304, on lit ce passage : ‘Hoc fuit actum in Lajacio, in castro de terra, ante portum, ‘ ce qui veut dire, sans aucun doute, que les châteaux d’Aïas portaient les noms de château de terre et de château de mer.

Le château construit sur l’îlot est au sud-est du premier ; il se compose d’une grosse tour ronde, formant à l’intérieur une salle voûtée. Attenant à cette tour, au sud, on voit une longue galerie ayant à l’intérieur des salles voûtées et éclairées par une ouverture carrée pratiquée dans la voûte. Des arcades, aujourd’hui fermées, font face au château de terre. Cette seconde construction est purement arménienne et n’a pas été restaurée comme la précédente.

A l’extrémité occidentale des ruines de la ville, et presque sur le bord du rivage, se dresse une petite tour octogonale, élevée par Soliman avec des pierres provenant des décombres de la ville et tout à fait dans le même style que la restauration du château. La porte située au nord est surmontée d’une plaque de marbre noir sur laquelle on lit, gravée en creux, l’inscription arabe que voici :

‘Celui qui a ordonné la construction de cette tour adjacente est le sultan Soliman, fils du sultan Selim-khan, l’année 3….’ »

 

 

 

 

 

 

 

 

Vue du site d’Ayas

Source : Langlois (1861)

 

 

 

 

 

 

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[1] Première campagne militaire du sultan Baybars en Cilicie, commandée par le futur sultan al-Malik al-Mansûr, cf Thorau (1992), p.171-187.

[2] Deuxième campagne militaire du sultan Baybars en Cilicie, cf Thorau (1992), p.171-187

[3] Voir le texte de l’inscription de fondation , in Langlois (1854), Langlois (1861).

[4] On trouve de nombreux éléments antiques disséminés dans toute la ville, ils ont servi de matériaux de remploi, notamment pour la tour isolée polygonale à l’ouest du château.

[5] Voir le résultat, in Eser (2009), p.421-441.