Toprakkale/Tell Hamdûn (n.d.)

 

 

 

Localisation : au croisement de l’actuelle route E90 et de la route Adana/Iskenderun, à 12km à l’ouest de Osmaniye.

 

 

 

Réf :

Edwards (1987), p.244-252

Gottwald (1940), p.89-104

Hellenkemper (1976), p.140-154

Sinclair (1990), p.326-328

 

 

 

Historique

 

Aujourd’hui la forteresse de Topprakkale/Tell Hamdûn se trouve au sommet d’un cône, entouré d’une pinède, qui culmine à 65m. Une source d’eau, le Kara Suyu, qui coule au sud assure son approvisionnement en eau.

Comme une grande partie des sites fortifiés de Cilicie, Toprakkale est visible depuis plusieurs autres forteresses (Tumlu, Anavarza, Amuda…) et inversement. Sa situation, à la croisée de plusieurs routes importantes, rend le site très stratégique, et explique son intérêt pour les protagonistes qui occupèrent tour à tour la région au Moyen Age. Il permet, en effet, de surveiller le passage vers l’Amanus entre Adana et Osmaniye ; les routes côtières du sud qui mènent à la mer via le port de Ayas/Yumurtalik à l’ouest, et celle vers Iskenderun à l’est. Aujourd’hui encore, c’est un nœud routier important pour la région.

 

Périodes antérieures

L’histoire antique du site est peu connue, le nom arabe de Tell Hamdûn viendrait probablement de la dynastie des Hamdanides qui contrôlent Alep entre 293/906 et 394/1004. Mais c’est peut-être Harûn al-Rashîd qui fait construire une forteresse sur l’emplacement d’un ancien fort grec vers 173/786[1].

Le site est mentionné dans les sources à partir du 12e siècle, il passe régulièrement de mains en mains entre les Byzantins, les Arméniens et les Francs. Occupé initialement par les Francs, le site, connu alors sous le nom de Thil ou T’il, change rapidement de propriétaires :

En 1137, il est pris par l’Empereur byzantin Jean II Comnène (r.1118-1143) lors d’une campagne militaire en Cilicie ; en 1151 l’Arménien Thoros II (r.1145-1168) le prend jusqu’en 1158 où il est à nouveau repris par l’Empereur byzantin Manuel Comnène (r.1143-1180), mais il retombe entre les mains des Arméniens avant 1170. Enfin en 1185, la forteresse est cédée comme rançon à Bohémond III (r.1163-1201), prince d’Antioche. Toutefois, il repasse sous contrôle arménien moins de neuf ans plus tard.

La forteresse est ensuite fréquemment mentionnée dans les sources jusqu’aux incursions répétées des Mamluk en Cilicie à partir de 664/1266.

 

Période Mamluk

La situation compliquée du site ne change pas sous les Mamluk, qui montrent le même intérêt pour cette position stratégique ; ainsi la région connaît de nombreux raids et campagnes militaires, et le site passe donc régulièrement des mains arméniennes aux Mamluk, parfois après traités, d’autres fois par la force.

Le premier siège mamluk de la forteresse a lieu en été 664/1266 pendant la campagne du sultan al-Zâhir Baybars (r. 17 dhu’l-qa’da 658/24.X.1260 – 27 muharram 676/30.VI.1277)[2], et aboutit au retrait des troupes arméniennes ; toutefois la forteresse revient aux Arméniens vers 681/1280.

En 692/1293, le sultan al-Ashraf Khalîl (r. 7 dhu’l-qa’da 689/11.XI.1290 – 12 muharram 693/13.XII.1293) récupère la forteresse après un traité avec le roi arménien Thoros III (r.1293-1298), mais la forteresse revient dans les mains arméniennes moins de cinq ans après.

En 697/1298, après un siège des troupes du sultan al-Mansûr Lajîn (r. 27 muharram 696/25.XI.1296 – 10 rabi’ II 698/15.I.1299), les Mamluk récupèrent le site, le sultan nomme alors un gouverneur pour la région basé dans la forteresse[3]. Mais la défaite des Mamluk face aux Mongoles en hiver 698/1299 permet aux Arméniens de regagner Tell Hamdûn une nouvelle fois.

Enfin, en 703/1303 l’armée Mamluk reprend le site après un nouveau siège victorieux. Par la suite la forteresse retombe plusieurs fois aux mains des Arméniens avant de revenir définitivement aux Mamluk en 737/1337. Ils la conservent jusqu’en 1491, date de la conquête du site par les Ottomans[4].

 

Le site fortifié, construit en basalte, consiste en deux parties distinctes (ill.2) :

Une cour basse à l’ouest, entourée d’un mur d’enceinte comprenant douze tours de formes diverses (polygonales, semi-circulaires et quadrangulaires), l’accès à la cour basse se faisait au nord par une entrée flanquée de deux tours (T11),  c’est aujourd’hui le débouché de la route d’accès au site. Cette partie faisait office de village ou de faubourg.

Une cour haute, à l’est, mieux fortifiée avec une double enceinte côté sud et est. Un passage aux pieds de la tour T01 relie les deux cours, celles-ci sont séparées par un imposant talus en calcaire creusé de galeries souterraines avec des fentes de tir. Il apparaît que ce talus soit élevé avant l’enceinte de la cour basse.

L’accès à la cour haute s’effectue par une entrée flanquée de deux tours rondes et une grande salle voûtée appartenant probablement à la 1e grande phase de construction (ill.27-30).

L’aspect actuel du site avec ses nombreux éboulis et salles comblées ne permet pas l’accès aux parties inférieures et aux fondations de la forteresse. Il est donc difficile d’avoir une lecture de l’ensemble du site et de ses multiples périodes de constructions liées à son histoire mouvementée. De plus il n’y a pas d’inscriptions qui pourraient nous renseigner sur des dates de travaux et de périodes d’occupations.

Le site comprendrait, en gros, une première phase de construction mêlant Byzantins, Musulmans et Francs, elle concernerait le front ouest de la cour haute et les tours semi-circulaires. Une seconde phase est attribuée uniquement aux Mamluk. Néanmoins, il apparaît que ces derniers n’ont entrepris aucune rénovation après les deux sièges de 664/1266 et 703/1303. Les restaurations attribuées aux Mamluk seraient donc postérieures à 774/1375, date de la conquête définitive de la Cilicie.

Cependant on peut leur attribuer les travaux effectués sur les fronts ouest (ill.7-17), sud (ill.45, 46) et est (ill.49) de l’enceinte de la cour haute ; la série d’archères à l’est sur la 2e enceinte entre T23 et T26 (ill.25, 26) ; la galerie d’archères couronnant les salles S03 (ill.51-53) et S04 qui défendaient la cour basse et la salle S05 (ill.40, 41). La petite tour T22 du front sud semble être un rajout Mamluk.

Une étude menée sur la forteresse a fait apparaître des latrines dans les tours du front ouest et dans la tour T23 (ill.48) ainsi qu’un bain tous d’époque Mamluk[5].

 

 

 

Epigraphie

 

Pas d’inscription.

 

 

 

Biblio complémentaire :

Vachon (1994), n°59

Stewart (2001)

Raphael (2010), p.195-198

Tülek (2016), p.129-147

Tülek (2018), p.667-681

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1/ vue aérienne du site

Source : Google Earth

2/ plan du site

3/ vue du site depuis le nord

4/ vue du site depuis le nord

5/ la route E90 vers Adana depuis la forteresse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6/ vue de la tour T02 depuis la cour basse

7/ vue du front ouest de la cour haute avec la tour T04 (drapeau)

8/ vue de la tour T05 et du mur d’enceinte depuis la cour basse

9/ vue de la tour T05 et T04 depuis la cour basse

10/ la courtine et T05 depuis la cour basse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11/ de droite à gauche : T04, T03 et T02 depuis la cour basse

12/ la tour T04 et la courtine

13/ la courtine entre T04 et T03

14/ la tour T03 depuis la cour basse

15/ la courtine en tre T03 et T02

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

16/ la tour T02 depuis le sud

17/ la tour T02 depuis la nord-ouest

18/ le front nord de la cour haute avec T02 et T01

19/ la tour T01 depuis le talus

20/ la tour T01 depuis le nord

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

21/ la tour TA2

22/ la tour T10 sur le front est de la cour haute

23/ accès à la cour haute au niveau de la tour T09

24/ vue du front est de la cour haute entre T09 et T08

25/ la série d’archères sur le mur d’enceinte extérieur, face au front est

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

26/ une archère du mur d’enceinte extérieur

27/ accès entre TA1 et TA2

28/ salle S01 voûtée en berceau

29/ la salle S01 vers le sud-ouest

30/ la salle S01 vers le sud-est

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

31/ vue de la salle S02 vers l’ouest

32/ vue de la salle S02 vers l’est

33/ l’accès à la salle S03 depuis l’est

34/ la salle de la tour T02

35/ la salle de la tour T02

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

36/ la salle S03 vers le sud

37/ l’extrémité sud de la salle S03, à droite l atour T03

38/ accès à la tour T03 à l’extrémité de la salle S03

39/ l’extrémité sud de la salle S04 avec la tour T05

40/ vue de la salle S05 vers l’est


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

41/ vue de la salle S05 vers l’est

42/ vue de la salle S05 vers l’ouest

43/ le niveau 2 de la tour T05

44/ vue du niveau 2 de T05

45/ section sud de l’enceinte de la cour basse depuis la tour T05

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

46/ section sud de l’enceinte de la cour basse avec la tour T20

47/ vue du front ouest de la haute cour depuis T05

48/ la tour T23 et les latrines

49/ section de l’enceinte extérieur vers le nord

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

50/ niveau 2 de la tour T01

51/ archère du front ouest de la cour haute

52/ série d’archères du front ouest de la cour haute sur la salle S03

53/ série d’archères du front ouest de la cour haute

 

 

 

 

Documents anciens

 

Favre/Mandrot (1878), p.35 (séjour en avril 1874)

« Un peu plus loin se dressent sur une éminence les ruines assez bien conservées de la forteresse arménienne de Topra Kalessi.

Haute d’environ 80 mètres, cette éminence est de forme conique très-régulière et probablement de même nature que les parties de basalte qui existent sur le revers est de l’Amanus au nord du lac d’Antioche. Le château lui-même est construit en matériaux basaltiques. Nous en faisons aussitôt l’ascension. A notre grande surprise, les hautes collines du Gebel-Missis et les contre-forts de l’Amanus qui bordaient le défilé que nous venions de traverser s’écartaient brusquement à l’est et à l’ouest. Au nord la vue embrassait une immense plaine qui n’avait d’autres limites dans cette direction que les chaînes du Taurus et de l’Anti-Taurus. Il n’y avait donc entre nous et le fleuve Djihan aucune trace de la chaîne de montagnes indiquée sur nos cartes. Ça et là quelques éminences rocheuses se dressaient isolées au milieu de la plaine ; vers le nord nous distinguions Anazarbe perché sur son rocher, et le temps clair du lendemain nous permit d’apercevoir malgré la distance les rochers que couronnent les vieilles murailles du château de Sîs. »

 

 

 

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[1] Sur cette période, cf. Tülek (2018), p.667-681.

[2] Sur les campagnes militaires de Baybars en Cilicie, cf Thorau (1992), p.171-187.

[3] Sur cette campagne militaire de 697/1298, cf Stewart (2001), p.106-128.

[4] Sur le conflit opposant Mamluk et Ottomans, cf Har-El (1995).

[5] Voir les résultats, in Tülek (2016), p.129-147.